un bout de réflexion

Nous allions au cinéma. Grand évènement! Une sortie, voir un film, un dessin animé, quelque chose qui allait à coup sur nous plaire... Et puis, c'était plutôt rare, d'aller au cinéma.
- Allez, vite, en voiture, on va finir par être en retard!
Les trois petites filles s'installèrent dans la voiture. La plus âgée, qui devait avoir 6 ans, portait des lunettes rouges toutes rondes et avait l'air "gaga-gentil" que prennent certains enfants un peu à coté de la plaque. Celle du milieu (en l'occurrence moi) habillée de travers, avait 5 ans. Elle sautait un peu partout, exagérant quelque peu sa joie pour donner à la sortie une importance particulière. La plus petite, enfin, voix suraiguë, langage évolué pour son age, imitait ses deux soeurs sans même parfois comprendre.

Elles montèrent toutes les trois dans la poubelle qui servait (et qui sert toujours) de voiture, et négligèrent de s'attacher car de toute façon, il n'y avait que deux ceintures mal réglées. La voiture démarra. Les petites filles s'extasièrent pour la énième fois de toutes les décorations de Noël.
Une fois au cinéma, la queue parut interminable. La pauvre mère, pourtant remarquablement patiente, n'arrivait pas à faire tenir en place ses trois enfants. 
Elles entrèrent enfin dans la salle. Elles attendirent longtemps, assises. L'aînée se chamaillait avec la benjamine. La moyenne retira ses chaussures pour se mettre à genoux, pour mieux voir. Tout les extasiaient: le plafond rouge et or, l'immense écran, les tickets roses... 
Des pubs auxquelles les petites filles ne portèrent pas attention, car elles ne les comprenaient pas, durèrent une éternité encore. Leur mère leur dit d'attendre un peu, que le film allait bientôt commencer. Pourtant, ce dialogue entre trois adultes, sans aucun intérêt et incompréhensible, avait l'air de vouloir durer... Quelque minutes plus tard, elle leur chuchota:
" On sort. N'oubliez pas vos manteaux. Je vous expliquerai dehors".
Protestations de leur part, incompréhensions bien normales qu'elle tenta de calmer pour laisser les autres spectateurs profiter du film, qui en réalité avait commencé.
Elle s'était simplement trompée de film, sans doute un problème de changement de salle, enfin peu importe.
Nous étions sur des pavés carrés, montant une rue raide et interminable, sous la pluie, pour rejoindre la voiture, et retrouver la maison, s’ennuyer, retrouver les habitudes sans être enrichi de quoi que ce soit. Nous ne protestions pas, ne disions rien. Ma mère nous dit:
- je vous promet, Dimanche prochain, on ira voir un vrai film.
Et ma petite soeur s'est mise à pleurer.
Le dimanche prochain (sans doute un empêchement) nous n'y sommes pas allés... Celui d'après non plus...

Bon c'est totalement inintéressant mais cette nuit je me suis réveillée et je me suis souvenue de ça, avec des détails très précis (j'invente rien!) alors que j'avais totalement oublié. Bizarre quand même, un cerveau humain.