un bout de réflexion
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Une journée unique
--> immortalisation de souvenirs
Le 14 Avril 2006. Il y a donc un peu plus d'un mois. J'avais dormi chez Arthur, un pote du lycée auto-géré, que j'avais rencontré quelques semaines auparavant lors de l'occupation de mon bahut, et qui m'a hébergé plusieurs fois depuis - un mec génial, completement atypique, qu'on peut être sûrs de trouver partout où quelque chose de politique et de révolutionnaire se passe. J'avais dormi chez Arthur, donc, avec deux autres "militants" que je n'avais jamais vu auparavant - d'ailleurs Arthur lui-même ne connaissait que l'un d'entre eux - parce que nous avions fait la fête à la Sorbonne "jusqu'à pas d'heures" la veille (une autre journée mémorable, mais on ne peut pas tout raconter).
On se lève de bonne heure, vers 9h. Je secoue tout le monde - j'avais une énergie d'enfer ce jour là. Arthur nous met "l'Internationale" à fond, pour réveiller les masses, ce qui marche très bien d'ailleurs (se taper des délires sur l'internationale fait partie des plaisirs du militant). On se prépare, on sort, Arthur achète une pellicule. On se cotise pour un paquet de clope, des biscuits dégueulasses et un pack de bières, voilà pour le petit-déjeuner.
Métro, RER, direction Nanterre Université, l'autre bout du monde il nous semble. Je ne vous raconte même pas l'épisode métro : camarades de bonne humeur, donc gueulards. On était que quatre, mais on a fait beaucoup de bruit, et on s'est bien marrés...
Arrivée à Nanterre : AG à 11h, "étudiants chomeurs et salariés", la première AG serieuse après la chute du CPE en fait, pour faire le point.
Là bas, on retrouve des gens qu'on connait, on en rencontre d'autres. Les débats commencent, parfois intéressants, parfois inutiles : beaucoup de gens qui racontent la même chose, mais une idée globale à conserver et analyser. La salle elle-même vaut le coup d'oeuil : tags, tracts, autocollants, affiches, le tout en fait un chef d'oeuvre d'idées politiques.
Ce qu'on en retient, de cette AG, c'est que le mouvement n'est pas mort, il ne le sera pas avant bien longtemps. Il risque de se dispatcher entre les diverses revendications des divers militants, par contre. La mobilisation a l'air de toucher à sa fin, mais nous sommes encore de nombreux motivés.
14h : les trois-quarts de l'amphi part pour le tribunal de Bobigny (strictement à l'opposé de Paris), pour gueuler contre la repression, et pour l'amnistie de tous les militants condamnés à des peines démesurées, en tant qu'exemples.
16h : Avec Arthur et Céline, on rejoint la fac de Censier où se déroulait un concert, un vrai rendez-vous de militants en fait. Il ne faut pas oublier l'escale qu'on a fait à Jaures, pour s'acheter un kebab - il était 5h et on était toujours quasi à jeûn...
Une fois à Censier, on achète des bières, on rejoint les autres. Je ne vais pratiquement pas voir le concert : je reste sur l'herbe, avec des gens que je connais, et aussi beaucoup que je ne connais pas. J'y ai eu des discussions réellement passionnantes ce jour là. En vérité, j'ai du rester 2h sur l'herbe de Censier, à papoter avec des "inconnus", même si personne n'est vraiment inconnu dans ces situations.
C'est là que j'ai vu Yannick pour la première fois. Je l'avais remarqué parce qu'il se chamaillait avec Céline, et que leur discussion me faisait rire.
A un moment où à un autre de la conversation, je dis que j'ai 16 ans. Il me sort alors, d'un air enjoué "t'as 16 ans? Dis donc, t'assumes!". Je le regarde de travers, evidemment, je n'avais pas tout compris... "Ah non, t'assures je veux dire!". Toujours pas sûre de ce qu'il me raconte. "Je veux dire, tu fais plus que ton âges!".
Moi : "AH! Ok!" Ne sachant pas trop quoi dire "Bah si c'est un compliment merci..." De là, on cause un peu. Son regard m'intrigue, je me souviens de m'être fait la reflexion : assez dur, assez profond aussi...
20h : Certains veulent faire une action, qui ne se passe pas, les gens grognent un peu, les choses ne se décident pas. On finit par bouger - du moins le groupe avec lequel j'étais - pour rejoindre le rendez-vous quotidien, que personne n'organise mais où tout le monde se retrouve : "21h à la Sorbonne". Sur le chemin, je discute avec Yannick des relations avec les parents - on se retrouve à se raconter mutuellement nos vies, ce qui nous fait rire quand on s'en rend compte. Lui vient alors l'idée de me demander mon prénom.
A la Sorbonne, même ambiance, en gros, qu'à Censier : pic-nique, bières, discussions politiques, délires, retrouvailles avec des gens rencontré à une manif, 1-2-3 CRS... Assez bon-enfant, comme disent les journaux.
22h : Quelques personnes arrivent en courrant : "les Sans-Papiers! Ceux de Jussieu! Expulsés! Des CRS, venez tous vite on a besoin d'aide!". En clair, des flics qui virent un squatt de sans-papiers, et les embarquent, tant qu'à faire. On y va, bien sûr. J'ai déjà du raconter cet épisode sur le joueb, un épisode particulièrement choquant pour moi.
Une femme d'une quarantaine d'années pleure : "ils ont tout pris, tout embarqué, il n'y a plus personne, plus rien dedans". Une foule s'est formée devant la barrière de CRS qui bloque la rue où a lieu la rafle. Une soixantaine de sans-papiers exulsés qui ont eu la chance de ne pas se faire arrêter, une quarantaine de militants qui apportent leur soutien, tous profondément en colère, entrain de crier. Je me souviens avoir peur.
Lorsque les camions - avec les sans-papiers dedant - commencent à partir, on tente assez naturellement de leur bloquer le passage, en bloquant la rue. C'est completement inutile, mais d'un côté, c'est symbolique : est-ce qu'il fallait s'écarter pour laisser la Police faire son travail?
On s'est fait gazer. Particulièrement méchemment : à bout portant. Une grosse panique dans la foule, une bousculade, des gens qui étouffent. Moi-même je courrais, lorsque je vois Yannick planté et immobile, au milieu des gaz - pensant être à l'abris sans doute. Je le chope, je le tire, je lui crie "viens!! reste pas là!! T'es au milieu des gaz!", on avance à l'aveuglette, on s'étouffe, on s'en remet. Les gens s'entre-aident de partout, on me propose du sérum, on me demande si ça va.
On part en manif sauvage : les sans-papiers expulsés, gazés, forcés de passer la nuit dans une église peut-être, prennent leurs tam-tam, chantent et dansent. Leur colère se ressent, mais ils gardent le sourrire. Personnellement je crois que je n'ai jamais autant ressenti de haine et de dégout. J'étais impassible, je ne parlai pas, je suivais en silence. D'un côté j'étais triste, parce que ce spéctacle était horrible. Ces gens étaient extraordinaires : très solidaires, très sympas, avec une force morale incroyable. Ce qu'on leur fait vivre est inacceptable. L'ensemble n'a absolument aucun sens : c'est peut-être ça que je ressentais aussi. Un vide de sens.
01h : avec une dizaine de personnes, on finit par laisser les sans-papiers dans leur galère : on ne servait plus à rien. On prend un noctambus pour Chatelet, on passe dans le studio d'une fille pour aller aux toilettes, et on va sur les quais de la seine. Arthur et Yannick étaient avec moi, entre autres. On se promène, on se pose dans l'herbe, on parle, on boit de la bière, on grignotte un peu. On observe les quais : c'est un véritable micro-monde.
04h : ma famille étant en vacances, je propose à tout le monde de venir dormir chez moi. 8 me suivent : re-Noctambus. Ca prend du temps, mais la mentalité, c'est que le temps est la dernière chose dont on puisse avoir quelque chose à foutre. Sur le chemin, les garçons chahutent comme de vrais gamins. Yannick me fait littéralement du pied et me lance un regard. Hint.
05h : on arrive chez moi. Je nourrie les troupes. Certains vont sur Internet, d'autres vont fumer des bidies dans ma verranda, d'autres se dé-gazent sous la douche, d'autres se tapent des délires avec les jeux de mon petit-frère. Petit à petit les gens vont se coucher : on se retrouve à 4 dans ma verranda, puis 3, puis 2. Moi et Yannick. On parle, doucement, je ne sais même plus de quoi.
On monte dans ma chambre.
On se lève de bonne heure, vers 9h. Je secoue tout le monde - j'avais une énergie d'enfer ce jour là. Arthur nous met "l'Internationale" à fond, pour réveiller les masses, ce qui marche très bien d'ailleurs (se taper des délires sur l'internationale fait partie des plaisirs du militant). On se prépare, on sort, Arthur achète une pellicule. On se cotise pour un paquet de clope, des biscuits dégueulasses et un pack de bières, voilà pour le petit-déjeuner.
Métro, RER, direction Nanterre Université, l'autre bout du monde il nous semble. Je ne vous raconte même pas l'épisode métro : camarades de bonne humeur, donc gueulards. On était que quatre, mais on a fait beaucoup de bruit, et on s'est bien marrés...
Arrivée à Nanterre : AG à 11h, "étudiants chomeurs et salariés", la première AG serieuse après la chute du CPE en fait, pour faire le point.
Là bas, on retrouve des gens qu'on connait, on en rencontre d'autres. Les débats commencent, parfois intéressants, parfois inutiles : beaucoup de gens qui racontent la même chose, mais une idée globale à conserver et analyser. La salle elle-même vaut le coup d'oeuil : tags, tracts, autocollants, affiches, le tout en fait un chef d'oeuvre d'idées politiques.
Ce qu'on en retient, de cette AG, c'est que le mouvement n'est pas mort, il ne le sera pas avant bien longtemps. Il risque de se dispatcher entre les diverses revendications des divers militants, par contre. La mobilisation a l'air de toucher à sa fin, mais nous sommes encore de nombreux motivés.
14h : les trois-quarts de l'amphi part pour le tribunal de Bobigny (strictement à l'opposé de Paris), pour gueuler contre la repression, et pour l'amnistie de tous les militants condamnés à des peines démesurées, en tant qu'exemples.
16h : Avec Arthur et Céline, on rejoint la fac de Censier où se déroulait un concert, un vrai rendez-vous de militants en fait. Il ne faut pas oublier l'escale qu'on a fait à Jaures, pour s'acheter un kebab - il était 5h et on était toujours quasi à jeûn...
Une fois à Censier, on achète des bières, on rejoint les autres. Je ne vais pratiquement pas voir le concert : je reste sur l'herbe, avec des gens que je connais, et aussi beaucoup que je ne connais pas. J'y ai eu des discussions réellement passionnantes ce jour là. En vérité, j'ai du rester 2h sur l'herbe de Censier, à papoter avec des "inconnus", même si personne n'est vraiment inconnu dans ces situations.
C'est là que j'ai vu Yannick pour la première fois. Je l'avais remarqué parce qu'il se chamaillait avec Céline, et que leur discussion me faisait rire.
A un moment où à un autre de la conversation, je dis que j'ai 16 ans. Il me sort alors, d'un air enjoué "t'as 16 ans? Dis donc, t'assumes!". Je le regarde de travers, evidemment, je n'avais pas tout compris... "Ah non, t'assures je veux dire!". Toujours pas sûre de ce qu'il me raconte. "Je veux dire, tu fais plus que ton âges!".
Moi : "AH! Ok!" Ne sachant pas trop quoi dire "Bah si c'est un compliment merci..." De là, on cause un peu. Son regard m'intrigue, je me souviens de m'être fait la reflexion : assez dur, assez profond aussi...
20h : Certains veulent faire une action, qui ne se passe pas, les gens grognent un peu, les choses ne se décident pas. On finit par bouger - du moins le groupe avec lequel j'étais - pour rejoindre le rendez-vous quotidien, que personne n'organise mais où tout le monde se retrouve : "21h à la Sorbonne". Sur le chemin, je discute avec Yannick des relations avec les parents - on se retrouve à se raconter mutuellement nos vies, ce qui nous fait rire quand on s'en rend compte. Lui vient alors l'idée de me demander mon prénom.
A la Sorbonne, même ambiance, en gros, qu'à Censier : pic-nique, bières, discussions politiques, délires, retrouvailles avec des gens rencontré à une manif, 1-2-3 CRS... Assez bon-enfant, comme disent les journaux.
22h : Quelques personnes arrivent en courrant : "les Sans-Papiers! Ceux de Jussieu! Expulsés! Des CRS, venez tous vite on a besoin d'aide!". En clair, des flics qui virent un squatt de sans-papiers, et les embarquent, tant qu'à faire. On y va, bien sûr. J'ai déjà du raconter cet épisode sur le joueb, un épisode particulièrement choquant pour moi.
Une femme d'une quarantaine d'années pleure : "ils ont tout pris, tout embarqué, il n'y a plus personne, plus rien dedans". Une foule s'est formée devant la barrière de CRS qui bloque la rue où a lieu la rafle. Une soixantaine de sans-papiers exulsés qui ont eu la chance de ne pas se faire arrêter, une quarantaine de militants qui apportent leur soutien, tous profondément en colère, entrain de crier. Je me souviens avoir peur.
Lorsque les camions - avec les sans-papiers dedant - commencent à partir, on tente assez naturellement de leur bloquer le passage, en bloquant la rue. C'est completement inutile, mais d'un côté, c'est symbolique : est-ce qu'il fallait s'écarter pour laisser la Police faire son travail?
On s'est fait gazer. Particulièrement méchemment : à bout portant. Une grosse panique dans la foule, une bousculade, des gens qui étouffent. Moi-même je courrais, lorsque je vois Yannick planté et immobile, au milieu des gaz - pensant être à l'abris sans doute. Je le chope, je le tire, je lui crie "viens!! reste pas là!! T'es au milieu des gaz!", on avance à l'aveuglette, on s'étouffe, on s'en remet. Les gens s'entre-aident de partout, on me propose du sérum, on me demande si ça va.
On part en manif sauvage : les sans-papiers expulsés, gazés, forcés de passer la nuit dans une église peut-être, prennent leurs tam-tam, chantent et dansent. Leur colère se ressent, mais ils gardent le sourrire. Personnellement je crois que je n'ai jamais autant ressenti de haine et de dégout. J'étais impassible, je ne parlai pas, je suivais en silence. D'un côté j'étais triste, parce que ce spéctacle était horrible. Ces gens étaient extraordinaires : très solidaires, très sympas, avec une force morale incroyable. Ce qu'on leur fait vivre est inacceptable. L'ensemble n'a absolument aucun sens : c'est peut-être ça que je ressentais aussi. Un vide de sens.
01h : avec une dizaine de personnes, on finit par laisser les sans-papiers dans leur galère : on ne servait plus à rien. On prend un noctambus pour Chatelet, on passe dans le studio d'une fille pour aller aux toilettes, et on va sur les quais de la seine. Arthur et Yannick étaient avec moi, entre autres. On se promène, on se pose dans l'herbe, on parle, on boit de la bière, on grignotte un peu. On observe les quais : c'est un véritable micro-monde.
04h : ma famille étant en vacances, je propose à tout le monde de venir dormir chez moi. 8 me suivent : re-Noctambus. Ca prend du temps, mais la mentalité, c'est que le temps est la dernière chose dont on puisse avoir quelque chose à foutre. Sur le chemin, les garçons chahutent comme de vrais gamins. Yannick me fait littéralement du pied et me lance un regard. Hint.
05h : on arrive chez moi. Je nourrie les troupes. Certains vont sur Internet, d'autres vont fumer des bidies dans ma verranda, d'autres se dé-gazent sous la douche, d'autres se tapent des délires avec les jeux de mon petit-frère. Petit à petit les gens vont se coucher : on se retrouve à 4 dans ma verranda, puis 3, puis 2. Moi et Yannick. On parle, doucement, je ne sais même plus de quoi.
On monte dans ma chambre.
Commentaires :
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hed
C'est mignon, de voir comme ca les histoires des gens, tout en 'décalquant' la sienne et en regardant ce qui est pareil ou non. Marrant^^.
[Et bah moiiiiiiiiiii, avec G, le w-e du 1° maiiiiiiiiiiiiiiiiii....:p]